Interview Monseigneur Rougé. Lundi 15 juillet 2024 (Séverine Jahan Dijon 18)
S.J. Vous êtes le conseiller spirituel d’une équipe depuis près de 30 ans et vous appréciez, en tant qu’Evêque, ce temps de partage non hiérarchique. En quoi est-ce important d’être équipier ?
MGR Rougé. Depuis trente ans, j’ai accompagné successivement trois équipes, avec grand bonheur. Ce que j’aime dans mon équipe, et dans mon ministère épiscopal en général, c’est la juste combinaison entre la fraternité baptismale et la mission proprement ministérielle. Un double écueil menace, aujourd’hui comme hier, les justes relations ecclésiales : le cléricalisme, dont on parle si souvent, et l’égalitarisme superficiel, au nom duquel le ministère ordonné, signe et moyen de l’enracinement dans le Christ, n’est plus reconnu comme tel. Il arrive que des équipes ou des rassemblements réclament à cor et à cri des conseillers spirituels voire des évêques plus par habitude institutionnelle que par véritable perception de la profondeur sacramentelle de nos relations ecclésiales. Il me semble que cela peut constituer un vrai sujet de réflexion durant le rassemblement de Turin.
SJ. Vous nous avez confié que la coïncidence entre la relation à Dieu et la relation mutuelle est le lieu par excellence de la grâce sacramentelle du mariage : peut-on rapprocher le sacrement du mariage du sacrement de l’Eucharistie comme dans l’Evangile de Saint Luc (24, 18-35) où Jésus s’est fait reconnaître à la fraction du pain ?
MGR Rougé. Oui bien sûr, il y a une grande résonance entre la grâce du mariage et celle de l’Eucharistie, le sacrement par excellence qui synthétise tous les autres. Le mariage et la célébration de l’Eucharistie sont une affaire de pardon, de paroles échangées, de don mutuel des cœurs et des corps et de communion en vue du rayonnement missionnaire. La référence évangélique par excellence de cette coïncidence, c’est le mystère de la Croix, rendu présent en chaque Eucharistie, où le Christ-Epoux va jusqu’au bout de l’Amour.
L’Evangile des disciples d’Emmaüs exprime cette dynamique Eucharistique : rencontre, parole, signe de la fraction du pain, cœur transformé. Il est important de ne pas réduire la fraction du pain à un geste de partage générique : Jésus se fait reconnaître par le signe particulier qu’il a institué comme mémorial de sa mort vivifiante sur la Croix.